Travail / about work - La suite / next

Franck Fontaine,
à l'occasion de l'exposition "Wunderkammer" (2014, Budapest):

"Née en 1981, Laurence Cathala vit et travaille à Lyon et Toulouse, elle développe une réflexion autour de l’apparition et la reproduction des images, en s’appuyant notamment sur ce qui caractérise l’impression (psychique, typographique), sa surface et son temps."


Extraits d'un article de Camille Paulhan, paru en mars 2010 sur le site "Portraits - la galerie":

" le travail de Laurence Cathala invite plutôt à pénétrer un monde placé sous le signe du délitement. C’est, par exemple, un Plancher (2006) que l’artiste donne à voir, méritant ici amplement son nom de ‘flottant’. Comme secoué par un tremblement de terre, celui-ci est devenu sinueux comme une plage de sable fin à marée basse.
(...)
Dans Ex Libris (2009) (...) on reconnaît aux couleurs le rouge des Puf Quadrige, le jaune poussin de Grasset ou encore les élégants NRF Poésie. De plus, ces livres monoblocs semblent atteints de perte momentanée de mémoire. Sur les couvertures, certains mots ont disparu
(...)
Les auteurs, au lieu d’exister tels des noms emblématiques, redeviennent de simples prénoms et tombent non dans un anonymat mais dans une proximité particulière, qui ferait dire que nous connaissons Gaston, Gabriel et Gustave au lieu d’avoir lu du Bachelard, du García Márquez ou du Flaubert. Dans un très beau texte sur le bois(1), Roland Barthes évoque le contact particulier qu’une main (en l’occurrence dans son texte d’enfant) peut avoir avec le bois, contact ici évoqué avec cette collection de livres provenant d’une bibliothèque idéale, une bibliothèque dont quelques mots et la couleur de couverture nous offriraient une réminiscence telle de ce qui se trouve à l’intérieur qu’on n’aurait plus besoin de les rouvrir à nouveau. La mémoire est ainsi un des thèmes clés reliés à la lecture et au livre.
(...)
Lettre (2009), feuille de plâtre légèrement froissée, donne à lire une lettre d’Antonin Artaud à Jacques Rivière évoquant l’idée d’impouvoir : mais les mots s’échappent et seuls quelques-uns persistent, imprimés sur une feuille qui semble en absorber certains.
(...)
Une collection donc qu’on regarderait moins qu’on ne se souviendrait.
(...)
C’est ainsi qu’une de ses toutes dernières œuvres, Les traversantes (2009) reliait à sa manière tous les thèmes abordés par l’artiste. Cette petite maison de bois ressemble en tous points à une maison de poupée, si ce n’est qu’il n’est pas possible d’y pénétrer. Et pourtant, par toutes ses fenêtres il est possible de la traverser entièrement de l’œil, à la manière par exemple de la Vierge de Robert Gober.
L’intime caché se réconcilie avec la volonté de tout voir et d’être vu de l’architecture moderniste dans cette étrange sculpture, que l’œil transperce comme on lit un livre."

Texte écrit par Clément Dirié, lors de l'exposition "Destinées réversibles"(la Génerale en manufacture, 2008) sur la pièce Figures (cf section Sculpture):

" Bien que les derniers mots de Figures soient « et alors, et
soudain, et maintenant, J’oubliais », l’oeuvre de Laurence Cathala fonctionne en grande partie sur le processus mémoriel.
La mémoire est au coeur du texte, comme de la démarche de l’artiste.
En effet, pour ce dispositif particulier de lecture et de mise en forme de la littérature, l’artiste s’est souvenue de deux textes marquants : Molloy de Samuel Beckett et l’inaltérable Du côté de chez Swann de Marcel Proust.
À ces deux textes, elle a fait subir le mélange (des temps, des phrases, des sujets) et l’ajout (de ses liaisons, de ses mots) dans un geste à la fois d’hommage et d’appropriation.
Comme si la littérature était devenue, avant tout, une matière. Impression renforcée par cette présentation horizontale où l’ensemble des lettres moulées par l’artiste elle-même, selon une technique qu’elle affectionne, forme une surface de travail et de projection, propice à l’ambiguïté entre un texte à voir et une oeuvre à lire. Les mots deviennent une matière à ordonner, à poser délicatement. La page se fait ainsi table de l’imprimeur, table de l’écrivain et table de l’artiste, permettant un va-et-vient constant entre les territoires de l’art et de l’écriture. "